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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

mercredi 27 août 2008

Des centaines de millions d'euros gaspillés pour "sauver" le Mont Saint Michel

Mercredi 27 août

Le Bretagne (une partie) et la Normandie (une partie) s’esbaudissent et se réjouissent parce que la pièce maîtresse du barrage qui va garder un peu d’eau dans la Baie du Mont Saint-Michel vient d’être mis en place. Donc, dans quelques années il y aura de l’eau autour d’un lieu qui n’est qu’une gigantesque boutique de souvenirs, de bondieuseries, de bouffe et de pacotilles diverses. Ce qui me chagrine, c’est qu’au nom de l’écologie toute l’opération de désensablement coûtera largement plus de 200 millions d’euros. Ce qui signifie que les contribuables locaux, régionaux et nationaux versent leur obole, par l’intermédiaire des impôts, pour que les commerçants puissent préserver leur fabuleux gagne pain. Lutter (pour combien de temps) contre le sable, ce n’est pas de l’écologie, pas de la lutte environnementale, pas de la préservation de la nature. Juste une lutte impossible, au nom du pire des tourisme, contre une logique naturelle de l’évolution des milieux. Et l’on peut imaginer tout ce qu’il serait possible de faire d’utile avec une somme qui représente plus que ce que le ministère de l’Ecologie consacre chaque année aux réserves naturelles et aux parcs nationaux.

jeudi 21 août 2008

Afghanistan: il y a moins d'accidents de travail mortels dans l'armée que dans le batiment

21 août

J’ai longtemps hésité avant d’écrire ce qui suit, car ce n’est pas politiquement correct.

Je compatis à la mort des soldats français en Afghanistan. Pour eux et surtout pour leurs familles, leurs enfants. Mais...

Ces militaires sont tous des engagés volontaires bien payés, avec primes pour séjour à l’étranger et sur un champ de bataille. L’armée n’est pas un terrain de sport. S’engager dans une unité militaire, surtout dans les régiments envoyés en Afghanistan (et un jour en Irak, n’en doutons pas) implique qu’un jour ou l’autre on tue ou on est tué. Les militaires (français ou autres) présents en Afghanistan ne constituent pas (comme au Liban, comme au Kosovo, comme en Bosnie, comme au Timor, etc.) une force de paix des Nations Unies, mais des unités combattantes. Donc ils mènent des batailles, donc ceux qui ont été tués dans une embuscade il y a quelques jours, ont été victimes d’un accident du travail. Nul n’a organisé une émotion et des obsèques nationales pour les 158 ouvriers du bâtiment qui sont morts (dernier chiffre connu) sur leurs lieux de travail en 2006, ni pour les 379 autres travailleurs, essentiellement des hommes, tués dans un accident du travail. Aucun de ceux là n’a pas reçu la légion d’honneur.

D’autre part l’on s’émeut moins, pour ne pas dire pas du tout, pour les milliers de civils afghans (femmes et enfants compris) qui ont été tués « par erreur » depuis 2001 lors des bombardements, aériens ou au canon, des unités occidentales (pas seulement américaines) destinés à débusquer les Talibans. Combien de civils auront été tués au cours de la chasse aux mythiques Ben Laden et Mollah Omar ?

Ensuite, la présence des Occidentaux en Afghanistan serait plus « efficace » si les sommes consacrées à la guerre n’étaient pas très largement supérieures aux sommes « attribuées » (je n’écris pas dépensées...) pour la reconstruction et de développement économique du pays. Chaque jour les forces américaines dépensent 100 millions de dollars. D’autre part, depuis deux ans, les activités « humanitaires » des militaires ont été fusionnées avec leurs activités de lutte contre les Talibans. Pas de quoi attirer les sympathies de la population.

Enfin, sur ce terrain que je connais bien, l’environnement (rares forêts qui restent, par exemple, ressources en eau, déchets) est négligé et détruit. Kaboul, comme d’autres villes, est de plus en plus polluée par les plastiques et les rejets chimiques dans les eaux et l’atmosphère. Quand aux terres qui avaient été préservées pendant des siècles, elles sont désormais gagnées par l’érosion, particulièrement éolienne. Notamment dans les régions où des ONG irresponsables (il y en a des milliers !) ont foré des puits qui ont asséché les systèmes d’irrigation traditionnels (canaux enterrés pour éviter l’évaporation) qui avaient permis aux Afghans de mettre en valeur les terres dans un climat difficile. Ceci dans la plus grande indifférence des Occidentaux (civils comme militaires) et de la majeure partie des responsables afghans minés par une extraordinaire corruption.

Enfin encore, il faut rappeler que faute de remise en valeur agricole du pays avec des semences adaptées (remplacées par celles du PAM et par des OGM) la surface des terres vouées à la culture du pavot n’a jamais été aussi vaste dans toute l’histoire du pays: du temps de la Royauté au temps des Talibans en passant par la présence soviétique...

Nota Bene daté du 23 août: 76 civils, essentiellement des femmes et des enfants afghans, tués vendredi dans l'ouest du pays par une erreur d'un bombardement américain et anglais effectué comme d'habitude (pour limiter les risques) d'une haute altitude. Certains politiques ont fait part de "leurs vifs regrets", les présidents français et américains n'ont rien dit et Nicolas Sarkozy n'a pas annoncé qu'il irait sur place...

mercredi 13 août 2008

De l'Ossétie du Sud au Kosovo: une même tactique

Pristina, le 13 août

Les responsables kosovars suivent avec inquiétude ce qui se passe à Tbilissi car ils y voient comme préfiguration de l’indifférence qui pourrait régner en Europe si, avec l’appui des Russes qui n’ont pas reconnu leur indépendance, les Serbes décidaient de revenir en force dans un pays qui se débat dans d’extraordinaires difficultés économiques, n’agitant qu’une indépendance de façade exclusivement financée par l’Europe. Hier, les Serbes de l’enclave où ils sont retranchés au nord de Mitrovica, ne cachaient pas leurs espoirs : « les Russes vont nous aider discrètement à libérer une partie du Kosovo, nos compatriotes chassés pourront revenir et l’Europe n’osera rien dire pour ne pas perdre son accès au gaz et au pétrole. Ils aideront la Serbie à organiser une véritable partition du pays ». Dans les monastères de Pec, de Decan ou de Graçanice prés de Pristina, véritable « réserves » religieuses orthodoxes protégés par des blindés et des soldats de toutes nationalités, les moines, les popes et les Serbes en visite affichent depuis deux jours les mêmes espoirs sur « une Russie qui retrouve sa force et son éclat et dont nous allons profiter et qui n’a plus peur des Américains ». Dans les rues de la moitié serbe de Mitrovica, de nouvelles affiches à la gloire de Poutine ont été apposées sur les murs.

Depuis plusieurs semaines, comme ils ont été détruits par les Serbes, les postes de douane installés par les Nations Unis dans le nord du Kosovo ne contrôlent plus les routes en provenance de Serbie. Toutes les marchandises, ce qui est un moindre mal, mais aussi des armes peuvent arriver librement dans la grande enclave serbe. Comme contrôle il ne reste que deux voitures de douanes de l’administration de l’ONU, l’Unimik, postées à 60 kilomètres de la frontière, juste à l’entrée de la partie Kosovare de Mitrovica. Ce qui autorise tous les camions à pénétrer dans la zone serbe par de nombreuses routes secondaires où nul ne vérifie plus les chargements de camions et de voitures.

Les Serbes veulent voir comme une preuve qu’ils ont le vent en poupe, l’annulation de la visite de Bernard Kouchner mercredi ou jeudi prochain. Le ministre des Affaires étrangères devrait se contenter, aprés Moscou, d’une escale à Belgrade, l’étape de Pristina paraissant définitivement annulée. Même si les deux pays n’ont, en importance stratégique et en superficie, aucune commune mesure, le Kosovo, dont les Russes n’ont pas reconnu l’indépendance proclamée le 17 février dernier s’est invité à la table des discussions sur la Géorgie ; la Russie n’accepte pas cette modification des frontières des Balkans, surtout depuis que ses responsables savent que les Etats Unis veulent y faire passer un oléoduc et un gazoduc.

samedi 9 août 2008

La Chine "bouffe" la planète avec les USA et les kosovars meurent de pollution

9 août


A Pristina, la capitale du Kosovo écrasée chaque soir par une impressionnante pollution atmosphérique, vient de me parvenir le rapport de Global Footprint Network et du WWF Chine sur l’empreinte écologique de la Chine. Quelques éléments d’un long texte, juste pour réfléchir, pas pour juger.

L’empreinte écologique de la Chine a été multipliée par 4 au cours des 20 dernières années. Si la Chine, comme cela apparaît actuellement, suivait le modèle de développement des Etats-Unis, elle absorberait dans 20 ans la totalité de la biocapacité de la planète. Ce qui semble impossible alors que, pour l’instant, aucune inflexion du pays vers le « développement durable » ou les technologies moins destructrices n'est discernable. Ce qui s’est passé depuis la préparation des Jeux Olympiques le montre.

La Chine importe actuellement 2 fois son potentiel de biocapacité intérieure ;

Pourtant chaque Chinois n’a pour l’instant qu’une empreinte écologique de 1,6 hectares, contre 2,2 pour la moyenne de tous les pays du monde et 9,6 pour les Etats Unis qui restent les champions toute catégorie. Ils restent, sur le point d’être rattrapés par les chinois, les plus grands pollueurs de la planète. Sujet sur lequel les deux candidats à l’élection présidentielle restent muets...

Au fait, si la ville de Pristina (500 000 des 2 millions de Kosovars) est si polluée c’est qu’elle est alimentée en électricité par une centrale toute proche et fonctionnant avec de la lignite (mauvais charbon plein de souffre), que la plupart des voitures qui circulent sont anciennes ou mal réglées et avec une essence de mauvaise qualité et que, plusieurs fois par jour, la fourniture de courant électrique est longuement arrêtée, ce qui entraîne la mise en route de dizaines de milliers de groupes électrogènes encore plus polluant que la centrale. Le nombre des cancers et des maladies pulmonaires explose...

Vue de la route, laissé à l’abandon malgré les affirmations de la fameuse « communauté internationale », le Kosovo ressemble à une gigantesque poubelle jonché de plastiques y compris dans ce qui était de superbes rivières.

Ce qui n’empêchait pas, hier, des jeunes de se passionner pour un festival des films documentaires à Prizren dans le sud du pays.

Autre détail sur le « miracle » de l’indépendance du Kosovo : la salaire moyen y est de 200 euros et il y a ici 60 % de chomeurs.

mercredi 6 août 2008

Réac, antisémite, nationaliste borné, Soljenitsyne n'est plus un héros depuis longtemps

6 août


Nous venons de voir défiler des odes dithyrambiques à Soljenitsyne. Il en est ainsi des disparus qui ont été transmutés en symbole par le temps, l’histoire et les luttes idéologiques. Les laudateurs habitués de la brosse à reluire, seule geste littéraire politiquement correcte après un décès et avant le jugement de l’Histoire, oublient que si Alexandre Soljenitsyne fut le très grand écrivain de ses souffrances et des souffrances de son pays sous le stalinisme, il fut par la suite un historien médiocre. Il a souvent raconté et écrit n’importe quoi sur la terrible histoire de son pays sous Staline, passant sous silence que, bien que toujours dictatorial, le pays avait ensuite changé. A partir d’Août 14, il devint un historien peu crédible de l’URSS, oubliant par exemple la transformation économique et industrielle et le déferlement d’une culture qui même si elle était à sens unique a profité à tous les Soviétiques. Le « grand écrivain » ne travaillait que sur des sources de seconde main et ré-écrivait l’histoire, rejoignant ainsi une grande tradition russe reprise par le pouvoir soviétique et par Poutine. Soljenitsyne était de plus en plus difficile à lire, ayant progressivement perdu ses talents d’écrivain peut-être parce que ce talent ne tenait qu’à l’horreur politique et humaine qu’il avait subie. En fait, il a construit sa réputation sur ses premiers livres et sur son statut (ou sa statue) de « vainqueur » de l’Union soviétique. Il aussi peu vaincu l’URSS que Jean-Paul II. On oublie en France, dans la rage d’enterrer une période de l’histoire pour laquelle je n’ai aucune nostalgie, n’ayant jamais appartenu au parti communiste ni été proche de lui, que celui qui terrassa l’URSS s’appelle Mikhaïl Gorbatchev et qu’il le fit sans que le sang soit versé. Ce qui signifie que le système qui a « produit » Soljenitsyne, a aussi « produit » l’homme politique qui fut son liquidateur conscient et organisé. Avec l’aide d’Andreï Sakharov qui lui eut à la fois le courage de s’opposer et de rester. Et dont je me souviens qu’avant sa mort, un jour, devant le Soviet suprême où il siégeait comme parlementaire après son retour, il me confia qu’il fallait autant se méfier de Soljenitsyne que de Boris Eltsine. L’académicien qui avait été rendu à la vie politique et intellectuelle par Gorbatchev les tenait, chacun dans leur spécialité, pour des faussaires ; c’est le mot qu’il employa ce jour là alors que nous nous promenions entre les églises du Kremlin.

Il parait qu’il ne faut pas dire ou écrire que Soljenitsyne fut anti-sémite, réactionnaire et nationaliste et tout juste concéder du bout des lèvres qu’il ne s’agirait que d’une dérive de sa fin de vie. Non, au temps, au début des années 70, au temps où je lui apportais clandestinement à Moscou ses livres publiées en France sur du papier bible par les Editeurs réunis, au temps où je rapportais en France quelques uns de ses discours et interventions (notamment son éloge funèbre du rédacteur en chef de la Literaturnaya Gazeta) avant de les publier dans Politique-Hebdo, il était déjà profondément réac. Cela se lisait dans ses textes qui ne circulaient même pas encore sous le manteau et qu’il n’était possible de se procurer qu’en rusant avec le KGB qui me suivait partout. Du temps, le même, où il était hébergé par Rostropovitch à Barvikha dans la banlieue chic de Moscou, Soljenitsyne était déjà également anti-juif et nationaliste. Et aussi déjà désagréable, ce qui fut le moindre de ses défauts. Mais de cela, moi le premier, on ne parlait guère pour ne pas ternir la réputation d’un opposant emblématique au régime présidé alors par Brejnev.

Alexandre Soljenitsyne, qui se persuada finalement, avec l’aide des médias, qu’il était le prophète russe du XX éme siécle, commit un jour l’erreur de vouloir le vérifier en entreprenant en 1994 un surprenant retour en Russie par le train qui traversait la Sibérie. Un périple qui lui signala durement qu’il n’était pas le prophète qu’il imaginait : les foules n’étaient pas au rendez vous dans les gares du transsibérien et son caractère acariâtre s’en aggrava, il avait été profondément blessé par cette indifférence qui n’était ni de l’oubli ni de l’ignorance, mais de la méfiance. Car tous ses livres interdits avaient été publiés les uns après les autres sous le règne de Mikhaïl Gorbatchev auquel il n’apporta jamais le moindre appui, préférant revenir au pays sous Boris Eltsine plutôt que du temps de la perestroïka, au moment où son geste aurait été apprécié des Russes. Dans cette logique, de sa retraite moscovite, il apporta souvent son soutien à Vladimir Poutine tout en dénonçant la corruption de la société. Prise de position parfaitement compréhensible: dans ce président dont le coup d’Etat déposa Eltsine dans la tradition des fratricides luttes tsaristes, il avait trouvé ce dont il rêvait à voix haute : un nouveau tsar ; alors que Gorbatchev surgit par surprise et à une voix de majorité d’un bureau politique qui ne se méfia pas, fut l’homme qui misa sur la démocratie qui déplaisant tant à l’écrivain confit dans la religion orthodoxe.