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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

mercredi 16 décembre 2009

Quand les Nations Unies font reculer la démocratie à Copenhague

Mardi 15 décembre

Chronique parue sur Mediapart hier (mediapart.fr)

La démocratie onusienne réduit considérablement au lavage de cerveau. Fermement décidés à persuader tout le monde et le monde entier que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, que tous les pays s’aiment, que les congressistes ne sont qu’une bande de chics copains juste séparés par des malentendus provisoires et accessoires, que les délégations vont se mettre d’accord en s’embrassant goulûment avant l’arrivée des chefs d’Etat, les responsables des Nations Unies se donnent les moyens de réduire les risques de mauvaises interprétations, de critiques ou de commentaires acerbes des orages (souvent tropicaux) qui secouent le sommet du climat. La conférence de Copenhague se ferme et se verrouille dans un autisme aussi imprévu que sans précédent.
Les gentils organisateurs restreignent de plus en plus l’accès de la presse aux assemblées plénières, ce qui n’est pas dans la tradition des grandes conférences où seules les réunions informelles sont habituellement fermées aux journalistes. De plus, à l’instigation de leurs services de sécurité, les Nations Unies ont décidé de réduire la composition de toutes les délégations d’associations dûment accréditées de 80% à partir du 15 décembre: vous étiez cent, vous ne serez plus que vingt ! Cela ne se discute pas ! Plus question donc, que ces gens, pas toujours fiables, se pressent en trop grand nombre au Bella Center, les bâtiments de la conférence officielle. De peur qu’ils manifestent à l’intérieur, qu’ils sortent des pancartes vengeresses et qu’ils importunent des ministres. Il ne faudrait pas, par exemple, que Jean-Louis Borloo, qui passe son temps à parcourir les salles d’un pas vif, comme un prince d’autrefois dans les couloirs de Versailles, suivi d’une bruissante cohorte de journalistes et de courtisans, court le risque d’être interpellé dans sa parade triomphante par un écolo malpoli qui jugerait, par exemple, qu’il ne consacre ses efforts qu’à la communication et à la mise en scène des idées françaises alors que c’est l’Europe qui est censée parler. Il parade pour masquer un échec prévisible et pouvoir raconter ensuite que la France aura été exemplaire mais (malheureusement) incomprise. Donc, la demande émanant également de nombreux ministres qui ne veulent pas être dérangés et faire tranquillement le ministre, l’essentiel des associatifs, pourtant des gens bien polis, pas les pouilleux de la manifestation, sont virés. Sort qui a failli être celui des députés Verts européens, José Bové par exemple, qui n’ont du leur salut qu’à une astuce et au désistement d’autres membres de l’association mondial des Verts. Circulez, il n’y a plus rien à voir.
Cette mise à l’écart spectaculaire, inédite de mémoire d’usagers de conférence, promet des protestations et un désordre indescriptible à l’entrée du centre de conférence à partir de ce matin. Déjà aujourd’hui, parce que, assister à la Conférence de Copenhague est quand même ce qui se fait de plus chic avant d’aller au ski, l’accès a été bloqué pendant des heures par des centaines de personnes désireuses de venir faire un tour avant l’épuration associative et celles qui suivront pour que les excellences magouillent tranquillement. Pendant deux heures, la station de métro du Bella Center a été fermée. On imagine Madame Royal faisant la queue dehors ce mardi comme un vulgaire diplomate indien l’a fait hier pendant six heures.
L’affaiblissement d’un processus démocratique déjà bien incertain est renforcé par la multiplication des conciliabules. Lesquels ont amené les pays africains à se fâcher et à refuser de discuter (d’où le huis clos pour que les engueulades ne s’entendent pas trop). En fait, notamment sur le maintien ou la disparition du protocole de Kyoto, dont les pays industrialisés veulent se débarrasser, les coups et les tentatives de débauchages ont volé très bas depuis samedi soir. Beaucoup d’Africains ont été choqués des méthodes utilisées ; et confirmant les informations données hier par Mediapart, Pablo Solon, l’ambassadeur de la Bolivie à l’ONU, a, si l’on ose dire, mis les pieds dans le plat : « Nous exigeons un retour à une discussion démocratique, nous avons désormais l’impression que l’essentiel des négociations se déroulent désormais au cours de petits dîners auxquels sont conviés des invités soigneusement sélectionnés. Les responsables des Nations Unies ne peuvent pas ainsi choisir ceux avec lesquels ils parlent dans un processus qui n’a plus rien à voir avec la démocratie. Nous en appelons à toutes les forces sociales et écologiques pour dénoncer cette dérive ».
Les tensions sont manifestes à deux jours de l’arrivée des chefs d’Etat qui sont déjà nombreux à s’irriter du blocage des discussions et de la résistance des « pauvres ». Des consignes ont donc été données, notamment par la France, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, pour que les textes et les discussions soient de plus en plus verrouillés et que cessent les remises en cause de ce qui a été décidé par l’ONU et quelques grands pays.

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