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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

mercredi 15 juin 2011

Nucléaire: URSS, USA, France, Japon, Chine...une longue histoire de secrets et de mensonges

Mercredi 15 JUIN


Après le refus massif du nucléaire exprimé par les Italiens, les responsables d’Areva se sont répandus dans les radios et les gazettes pour expliquer que cette décision populaire ne représentait pas un gros problème pour leur entreprise puisqu’ils n’avaient pas vraiment de projets avec l’Italie et qu’aucun contrat n’avait été signé. Il y a quelques mois, Areva se vantait pourtant partout de son projet de vendre quatre réacteurs EPR à l’Italie de Silvio Berlusconi et en avril 2010, le premier ministre italien et le président français avait organisé un accord sur le nucléaire entre EDF et son homologue italien Enel. Ce qui est surprenant dans cette histoire, n’était évidemment pas la frénésie de vente de l’industrie nucléaire français, mais le besoin compulsif de mensonge de ses responsables quand le scénario et la réalité leur échappent. Tout comme lorsqu’ils expliquent que l’Allemagne ayant décidé de confirmer la fin programmée de ses centrales « devra acheter de l’électricité nucléaire à la France comme elle le fait depuis longtemps ». Encore un gros mensonge que démentent les statistiques d’échanges énergétiques entre les deux pays : l’hiver dernier, c’est la France qui importait l’électricité allemande. Les menteries concernent tous les secteurs de l’activité d’Areva puisqu’elle a dissimulé, en France et en Finlande, le coût de ses réacteurs et leurs délais de construction.
L’examen de l’histoire de l’uranium, en France et dans le reste du monde, fait apparaître que le mensonge, la dissimulation et le secret sont consubstantiels au nucléaire. Comme une tare qui marque avec une telle force sa carte génétique que ses acteurs ne parviennent jamais à s’en débarrasser. Comme pour conjurer les dangers qu’ils nient depuis des décennies.
Dans l’Oural les Soviétiques ont dissimulé jusqu’au début des années 90 les conséquences de l’accident radioactif survenu en septembre 1957 prés de Kychtym. La région comporte d’ailleurs toujours des zones, notamment des lacs, vérolés par la radioactivité. Mais l’accès en est interdit et les habitants de la région qui acceptent de parler sont menacés par les autorités. De l’URSS à la Russie, le nucléaire ne change pas de nature.
En 1979, l’accident du réacteur N° 2 de Three Miles Island n’a jamais livré tous ses secrets et le pouvoir américain continue à dissimuler ses conséquences sanitaires, notamment une augmentation des cancers et de la mortalité infantile dans cette région. Et nul ne fit de publicité sur un rapport publié deux mois plus tôt par la Commission de Réglementation du nucléaire pointant les défauts ayant provoqué la catastrophe. Un travail de longue haleine qui avait inspiré le scénario du film « Le syndrome chinois » sorti quinze jours avant l’accident de Pennsylvanie sous les ricanements du lobby nucléaire et industriel...
Lors de l’accident de Tchernobyl, je tiens les détails de l’histoire de Mikhaïl Gorbatchev lui même, deux éminents académiciens convoqués d’urgence par le Bureau Politique, conseillèrent à la fois le plus grand secret et une distribution de vodka aux irradiés après avoir minimisé l’accident. Le lendemain, le président soviétique autorisa les journaux de son pays, notamment Ogoniok, à évoquer librement l’accident. Ce qui, sur place, fut assimilé à une trahison. Aujourd’hui dans la zone interdite de Tchernobyl, la plupart des ingénieurs affectés à la maintenance des réacteurs arrêtés nient les dangers et réclament le redémarrage des unités fermées. Le gène du secret et de la négation doit être contagieux : les responsables du consortium créé par Vinci et Bouygues pour construire le nouveau sarcophage, refusent toute information et que les journalistes rencontrent ses cadres.
Fin 1999, lors de la tempête qui mit à mal la centrale du Blayais, EDF décida de ne pas communiquer sur les circonstances de l’accident et sur l’accident majeur auquel les réacteurs avaient échappés. Ses responsables haussaient les épaules face aux questions. Il fallut qu’un responsable de l’Institut de Protection et de Sureté Nucléaire organise une fuite dont j’ai bénéficié pour que le Canard Enchaîné raconte dans le détail comment et pourquoi la centrale inondées avait frôlé la catastrophe.
Pour la plupart des incidents signalés sur les réacteurs français, EDF et Areva s’entendent pour minimiser, pour retarder l’information. Comme ni l’un ni l’autre n’avaient jamais accepté de communiquer sur les risques pris par les travailleurs intérimaires trop exposés. Il y a deux ans, voulant visiter la centrale de Dampierre en Burly pour les besoins d’un livre et d’un film, EDF me fit attendre 6 mois pour m’organiser une visite express au cours de laquelle il était interdit de prendre des photos et d’adresser la parole aux ingénieurs. Un « progrès » car pendant 6 ans, à la fin des années 70 et au début des années 80, j’ai été interdit (comme d’autres journalistes spécialisés) de visite dans les centrales françaises.
Les Chinois mentent sur les conditions sanitaires à l’intérieur et à l’extérieur de leurs centrales et y interdisent les études épidémiologiques. Comme les Indiens, les Ukrainiens et les Roumains et les Bulgares qui, après avoir maintenu le secret sur les deux réacteurs en piteux état de Kozlodouï, veulent désormais s’offrir une centrale russe.
Le dernier exemple tout chaud est évidemment celui de la Tepco, l’opérateur des six réacteurs en rade de Fukushima. Cette entreprise à dissimule pendant des années les incidents de ses réacteurs et a menti sur les causes de la catastrophe (le tremblement de terre et non pas le Tsunami). Avant d’oublier de signaler que les trois réacteurs sont entrés en fusion dés le premier jour et d’occulter l’intensité de la radioactivité dans et autour de la centrale, les conséquences sur les sacrifiés d’une lutte inégale contre l’accident qui se poursuit et sur l’étendue des contaminations dans la région, bien au delà de la zone d’évacuation et de la zone de confinement. Ils mentent maintenant en expliquant que la situation sera maîtrisée en janvier prochain avec l’aide de l’autre menteur pathologique, Areva.
Dernier menteur identifié : Nicolas Sarkozy en visite il y aune dizaine de jours dans la région de Cosne sur Loire, prés de la centrale de Belleville et expliquant à la presse locale attentive à recopier l’oracle : « Je ne veux pas détruire une filière qui crée de l’emploi, de la compétitivité et de l’indépendance énergétique et l’arrêt du nucléaire allemand offre un débouché à la France dans des conditions concurrentielles intéressantes ». Comprenne qui pourra mais les élus locaux ont applaudi ; les mêmes qui se battent dans la région contre les éoliennes. Je vous la fais courte, pour la liste des secrets et des mensonges qui s’accumulent depuis une bonne quarantaine d’année et aussi pour Sarkozy qui a finement remarqué : « on ne peut pas imaginer un tsunami en Bourgogne ». Rires gras...
Il semble y avoir dans l’expression industrielle et politique sur le nucléaire, comme la marque indélébile d’un gène du mensonge qui se transmet comme une maladie de plus en plus grave...Un seul remède à cette affection contagieuse: les Verts et un référendum.

lundi 6 juin 2011

Ours, rapaces, lynx ou loups: quand les chasseurs font la loi

lundi 6 juin


Avec l’annulation le 31 mai de la réintroduction dans le Béarn d’une femelle ours promise depuis des années, la faune sauvage vient de payer un nouveau tribut à la démagogie électorale. Dans cette zone des Pyrénées où ne survivent que deux mâles, l’espèce est donc promise à une disparition très rapide. Piteuse explication de la ministre de l’Ecologie, il s’agit de ne pas accroître les difficultés des éleveurs touchés par la sécheresse. Sauf que l’examen des cartes pluviométriques et de l’état des pâturages de montagne dans cette région montre que la situation des herbages est pratiquement normale. Une nouvelle fois, il s’agit de complaire au lobby des chasseurs et aux braillards de la FNSEA qui rêvent d’éliminer les quelques prédateurs survivant sur le territoire français. En oubliant qu’en 2010, chiffre communiqué par le ministère de l’écologie, 167 brebis ont été tuées (et remboursées aux bergers) par l’ours dans tout l’arc pyrénéen. Chiffre à rapprocher de deux autres : 600 000 brebis passent l’été dans les alpages des Pyrénées et dont prés de 30 000 sont mortes tuées par des chiens ou dans des accidents.
Il ne reste plus dans toutes les Pyrénées qu’une vingtaine d’ours discrètement pourchassés par les chasseurs qui ignorent volontairement la loi alors qu’il y a cinquante ans, il en restait environ 150. Empoisonnés, tués à coups de fusil ou chassés de leurs territoires par les équipements de sport d’hiver ou par l’ouverture de nouvelles pistes destinées à la sylviculture, ils ont peu à peu disparu. Aucun ministre de l’écologie, depuis les années 80 n’a réussi à obtenir que quelques dizaines de milliers d’hectares leurs soient réservés pour vivre en paix. Tout comme, à la fin des années 60, lorsque le parc national des Pyrénées fut créé, les aménageurs de la montagne et les associations de chasseurs avaient fait pression pour que les limites du parc n’englobent pas les espaces où vivaient encore de nombreux ours. Conséquence du manque de courage du législateur, le dernier ours brun aura disparu de France d’ici à une vingtaine d’années alors qu’il subsiste plus d’une centaine en Italie dans les Abruzzes ou en Espagne, animaux protégés à la fois par les pouvoirs publics et l’opinion publique. Sans compter les 700 loups italiens et les 2100 loups espagnols. Contre 180 à 200 en France.
Avec les autorisations données aux préfets de permettre aux bergers et aux chasseurs de tuer six loups en 2011, le pouvoir a également cédé à la tentation électorale alors que cet animal, venu d’Italie où il en reste plusieurs centaines, n’a tué l’année dernier qu’environ 2800 brebis (également remboursées). Par contre, selon les spécialistes et les associations d’éleveurs, le nombre des moutons tués par les chiens, errants ou fugitifs, dépasse 130 000 pour toute la France. Ce chiffre, même si l’on comprend que la vie des bergers ne soit pas facile et si l’on sait qu’ils sont en général sous-payés, relativise l’importance des dégâts commis par ce prédateur. Même remarque pour le lynx qui tente de survivre, malgré les tirs clandestins et les empoisonnements, dans le Jura et les Vosges où il a été réintroduit en 1983.
La France a de toute évidence des relations difficiles avec la nature sauvage comme l’a montré l’échec de l’année de la biodiversité et les récents tirs contre de grands rapaces dans les Alpes et le Sud de la France. La proportion d’oiseaux, les petits comme les grands, menacés de disparition sur le territoire métropolitain est de 26 % des 568 espèces répertoriées. Les chiffres viennent d’être communiqués par la Ligue pour la Protection des Oiseaux et le Muséum National d’Histoire Naturelle. Ces deux organismes rappellent dans le rapport publié que le chiffre mondial moyen est de 12 % et signalent des espèces emblématiques comme le milan royal sont systématiquement victimes d’appâts empoisonnés. En cause également : la poursuite d’un usage intensif des pesticides malgré les promesses du Grenelle de l’environnement et les drainages des zones humides pour y semer du maïs...qu’il faut arroser pour lutter contre la sécheresse. Ce qui a pour conséquence, dans de nombreuses régions, de diminuer le niveau des rivières où les céréaliers pompent souvent clandestinement de l’eau. Un ralentissement ou un tarissement du débit qui entraîne une forte mortalité des loutres, des castors et de tous les mammifères ou oiseaux inféodés à l’eau.
Pas une voix ne s’est élevée au parlement –sauf chez les Verts- pour protester contre les mesures anti-ours, anti-loups ou préjudiciables à l’avifaune. Le lobby des chasseurs fait la loi électorale. Dernière preuve : les 5 et 17 mai, à la demande de la Fédération des chasseurs, le Sénat et les députés, alors que le calendrier parlementaire est parait-il chargé, ont trouvé le temps de voter discrètement une proposition de loi sur « la modernisation du droit de chasse » qui revient à donner encore plus de droits aux chasseurs sur le milieu naturel et contre les autres usagers de la nature. Le score du scrutin laisse rêveur : 534 voix pour et 4 contre des dispositions qui remettent la vie sauvage.
Les animaux ne votent pas....