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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

vendredi 19 août 2011

Chiffres et réflexion sur les causes de la soi-disant "crise" des fruits et légumes

VENDREDI 18 AOUT

Quelques faits et chiffres pour aider à la compréhension de la « crise » dont se plaignent les producteurs de fruits et légumes. Lesquels n’ont pas honte de les détruire alors que la Corne de l’Afrique vit une famine terrible.
La France continue à vivre dans l’illusion qu’elle est un grand pays agricole, alors qu’elle est surtout livrée à l’agrobusiness. Il est facile de constater que le pays s’éloigne rapidement de l’autosuffisance, les « marchés » et la grande distribution s’alliant pour faire semblant de baisser les coûts et pour faire disparaître les producteurs français.
S’agissant de la pêche, des nectarines et des brugnons, la production française a été de 348 000 tonnes en 2010 et les estimations du ministère de l’agriculture sont de 319 000 tonnes pour 2011. Bien loin du chiffre de la consommation.
Les importations en provenance de l’Union européenne ont été, en 2010, de 221 076 tonnes dont 105 000 d’Espagne en. Tonnage auquel il faut ajouter 115 754 tonnes, toujours selon les statistiques douanières, en provenance « du reste du monde », c’est à dire de très loin, y compris de Chine ou d’Egypte par exemple. Transport qui gaspille, comme les fruits en provenance du sud de l’Espagne (par camion) d’énormes quantités de gaz à effet de serre.
Au cours des cinq dernières années, la surface française plantée en pêchers, nectarines et brugnons a diminué de 11 %, ce qui est d’autant plus énorme que la réduction se poursuit. Ce qui n’empêche pas des producteurs français, notamment de grosses « coopératives », d’investir dans des plantations à l’étranger. Ce qui fait la fortune de la plate-forme Saint-Charles (privée) de fruits et légumes espagnoles et marocains qui se trouve à Perpignan.
Il est donc clair que la production française est déclinante et ne peut suffire à la demande qu’il s’agisse de fruits frais ou de fruits à mettre en conserve. Pourtant la consommation de fruits (toute catégories confondues) a baissé de 6% depuis 1999, ce qui, compte tenu de l’accroissement de la population, équivaut à un recul de 12 %.
Début d’explication : qu’il s’agisse des pêches espagnoles ou françaises (et de nombreux légumes), ces fruits cueillis la plupart du temps avant leur maturité, sont souvent immangeables et durs. Ce qui permet de les transporter sur des distances de plus en plus grandes. Les obtenteurs de nouvelles variétés travaillent sur leur résistance au transport, sur leur faculté à « mûrir » après cueillette, sur leur calibrage, sur le parfum dégagé sur les étals mais rarement sur le goût qui est considéré (comme pour les fraises, comme pour les pommes...) comme secondaire. Une tendance de plus en plus forte qui contribue à détourner les consommateurs qui se reportent en partie du des fruits en boite (il suffit d’observer les paniers des clients pour le constater) avec lesquels les « fabricants » vendent de l’eau sucrée qui contribue au progrès de l’obésité.
Pour se convaincre de la perversité du système il suffit de goûter les pommes actuellement en vente dans certaines grandes surfaces et de constater qu’elles viennent du Chili ou de Nouvelle Zélande. Comme les poires. Ou comme les haricots verts du Kenya et du Sénégal alors que ce légume est en pleine production en France !
La « crise » de la tomate constatée au cours du mois de juillet relève de la même aberration du système de production et de distribution puisqu’en 2010, les importations des pays en provenance de l’Union européenne a été de 219 000 tonnes, celles de l’Espagne à 130 000 tonnes, celles du Maroc à 262 000 tonnes et celles du « reste du monde » (y compris la Chine) à 497 000 tonnes ; a comparer avec la France qui n’aura produit que 5% (oui, vous avez bien lu CINQ) de ce qui est consommé en France, qu’il s’agisse du frais ou de la conserve ! Une production sous serres chauffées de 470 000 tonnes et sous serres froides de 82 000 tonnes. On ajoutera que les importations sont désormais aussi importantes en « hors saison » (la plaie de la consommation irresponsable !) que pendant la fin du printemps et l’été.
Ayant réussi à désorienter le consommateur, les agriculteurs (français et autres) et la grande distribution ont réussi à détourner une partie des consommateurs d’un légume-fruit devenu insipide. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que le tonnage de tomates auto-produites par ceux qui ont la chance d’avoir au moins quelques mètres carrés de terre, qui était déjà de 100 000 tonnes, approche désormais les 120 000 tonnes !
Toutes ces absurdités dont les producteurs (surtout les plus petits) et les consommateurs sont victimes sont essentiellement dues aux efforts de communication de la grande distribution qui a réussi à convaincre une partie de la population que l’on pouvait et devait consommer n’importe quoi à n’importe quelle période de l’année.
Pour retrouver la confiance des acheteurs il faudra aussi que les agriculteurs poussés à infliger plusieurs dizaines de traitements par an, sous l’influence des marchands de produits chimiques, changent de méthode. En France et ailleurs.

dimanche 7 août 2011

Fukushima, début août:, la catastrophe s'aggrave de jour en jour

Dimanche 7 août

Chronique d'une catastrophe en cours...

Comme annoncé, la situation à Fukushima et dans la région ne s’arrange pas et, à en juger par les derniers développements du délabrement des réacteurs accidentés, cet accident pourrait dépasser en gravité, dans le temps et dans l’espace, celui de Tchernobyl. Car non seulement les trois réacteurs restent pratiquement hors d’atteinte pour les ouvriers et les ingénieurs, mais trois des quatre piscines endommagées ne sont toujours pratiquement pas refroidies. Seule celle liée au réacteur numéro quatre est équipée depuis la fin du mois de juillet d’un système de refroidissement de secours qui « ne donne pas entièrement satisfaction ». Traduit en langage de profane cela signifie que cette piscine relâche toujours de la radioactivité dans l’air. Ce qui est évidemment le cas des carcasses des bâtiments et de réacteurs un, deux et trois. Donc, n’en déplaise aux « docteurs tant mieux » qui s’agitent aussi bien au Japon qu’en France chez Areva, la situation des rejets et des risques à venir reste exactement la même que le 13 mars dernier, quand la fusion a commencé. Un accident dont il faut quand même rappeler, car les partisans du nucléaire sont en train d’essayer de le faire oublier à l’opinion publique internationale, qu’il n’a pas été provoqué par le tsunami mais par l’arrêt automatique des réacteurs provoqué par le tremblement de terre. Il se trouve, les experts le savent mais ne le crient jamais sur les toits, que les conséquences de l’arrêt brutal d’un réacteur nucléaire, qu’elles qu’en soient les causes, sont toujours imprévisibles : cela peut fort bien se passer normalement ou au contraire déstabiliser définitivement un réacteur sans que les spécialistes sachent vraiment pourquoi.
Pour prendre la mesure de la radioactivité toujours relâchée dans l’atmosphère, il suffit de savoir que dans le réacteur numéro deux, par exemple, les instruments de contrôle que les techniciens ont réussi à glisser le 2 août prés du réacteur numéro deux n’ont pas pu fonctionner car la radioactivité était trop forte. Elle dépassait –d’un montant ignoré- la limite de 10 sieverts/heure (10 000 millisieverts). La veille, dans le réacteur numéro un, les ingénieurs qui voulaient commencer à étudier la mise en place d’un système de refroidissement de secours, ont du renoncer à s’approcher par ce que les instruments enregistraient une radioactivité de 5 sieverts/heure. Impossible donc, toujours, de travailler dans les bâtiments et aux abords des réacteurs : la norme pour un salarié du nucléaire, limite au delà de laquelle il court des risques est de 20 millisieverts/an. Ce qui situe largement, si l’on tient compte de la durée de l’exposition de référence, la radioactivité menaçant les ingénieurs japonais à un niveau au moins 10 000 fois supérieur à ce qui est acceptable sans être irrémédiablement et gravement contaminé.
Cette permanence de la radioactivité interdit donc, tout en polluant davantage chaque jour la région, toute intervention sur les trois réacteurs accidentés. Les techniciens ne peuvent strictement rien à faire, les premiers robots expérimentés pour les suppléer ont été paralysés par la force des radiations.
La « promesse » de la Tepco, l’opérateur privé en cause, et du gouvernement japonais de « maîtriser » la situation pour le début de l’année 2012 est donc en train de voler en éclats. En fait les réactions nucléaires se poursuivent et les techniciens de disposent d’aucun moyen pour les arrêter ou les diminuer. Ils n’ont strictement pas progressé depuis le lendemain de l’explosion des réacteurs et même la décontamination des centaines de milliers de tonnes d’eau contaminée est au point mort. Dans les conditions actuelles, la preuve est faite qu’un réacteur peut échapper durablement à toute tentative de contrôles et que les spécialistes ne peuvent que constater l’aggravation d’une situation de crise. Quant à l’autre « promesse », celle de construire rapidement un grand sarcophage par réacteur ou une énorme enceinte de confinement, elle est pour des mois, sinon des années irréalisables. Ce qui condamne une partie du Japon à subir une augmentation des contaminations, y compris par du plutonium.
D’où la nécessité de continuer à expliquer ce qui se passe à Fukushima pour que personne n’oublie l’ampleur de la catastrophe.