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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

vendredi 27 janvier 2012

L'écologie selon Nicolas Sarkozy, de 2007 à 2012

Vendredi 27 janvier

En 2007, à l’orée de la campagne électorale, le Président de la République avait caressé les écologistes et les protecteurs de la nature dans le sens du poil en signant comme tous les autres candidats le pacte proposé par Nicolas Hulot. Et pensant avoir une fois pour toutes enrôlé le mouvement environnementaliste sous sa bannière, a organisé le désormais célèbre Grenelle de l’environnement. Ce fut pour lui l’occasion de se livrer à des proclamations écologistes qui surprirent ses auditeurs les plus sceptiques. Mais comme les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, il n’est pas inutile de les relire pour les comparer avec tout ce qu’il a déclaré par le suite, quand il a compris, lui et ses conseillers, que sa posture verte n’était qu’une poudre aux yeux ne rapportant pas de voix, comme l’a prouvé le patient détricotage des quelques mesures annoncées par les parlementaire de l’UMP auxquels cette tache avait été dévolue lors de plusieurs petits déjeunes élyséens.
Le 25 octobre 2007, clôturant les travaux du Grenelle de l’environnement avec une ode vibrante à l’écologie et au principe de précaution, le président de la République Nicolas Sarkozy déclarait : « Ma première pensée va à tous ceux qui ont œuvré pour la réussite de ce Grenelle de l’Environnement qui restera comme un moment important dans la prise de conscience par notre société qu’elle ne peut plus vivre dans le gaspillage, qu’elle ne peut plus négliger les conséquences sur l’avenir de la planète de sa façon de vivre, de produire, de consommer ». Il ajoutait devant les représentants de associations émus aux larmes et quasiment disposés à le nommer Vert d’honneur sous l’oeil réjoui de Jean-Louis Borloo, ministre d’Etat pour l’écologie réputé lui avoir montré son nouveau Chemin de Damas: « Les changements climatiques, nos concitoyens ne doivent pas les réduire à la fonte des neiges sur les pistes de ski. Les changements climatiques, ce sont plusieurs centaines de millions de réfugiés climatiques. Les changements climatiques, c’est une accélération des grandes catastrophes, des sécheresses, des inondations ou des cyclones. Les changements climatiques, ce sont des épidémies nouvelles. Les changements climatiques, ce sont des conflits exacerbés pour accéder à l’eau et à la nourriture». Enveloppé du brouillard vert qui esbaudissait les fidèles croyant écouter une adresse apocryphe de Nicolas Hulot, l’autre Nicolas rajouta une autre louche d’analyses et de promesses imaginées par son service de communication engluant méticuleusement le piège à voix installé lors de son élection quelques mois plus tôt.
« Et je voudrais revenir sur la question du principe de précaution. Proposer sa suppression au motif qu’il bride l’action repose sur une profonde incompréhension. Le principe de précaution n’est pas un principe d’inaction. Au contraire, c’est un principe d’action et d’expertise pour réduire l’incertitude. Le principe de précaution n’est pas un principe d’interdiction. Au contraire, c’est un principe de vigilance et de transparence. Il doit être interprété comme un principe de responsabilité ».
« Nous avons une nouvelle ambition, une ambition pour une agriculture plus durable. Et cela ne peut pas passer par l’épuisement des sols ou l’utilisation croissante des produits chimiques dangereux. Ce message, je le porterai dès le début de la présidence française de l’Union européenne, c'est-à-dire au second semestre 2008, à l’occasion d’un grand débat d’orientation sur les principes fondateurs de la politique agricole commune de 2013. Les débats du Grenelle ont montré que de grands progrès sont possibles pour développer une agriculture et une pêche de haute qualité environnementale ».
Le 6 mars 2010, c’est à dire quelques pressions du lobby agricole et de l’industrie chimique plus tard, en visitant le Salon de l’Agriculture, le Président de la République a expliqué aux ténors de la Fédération Nationale des Syndicats d’exploitants agricoles dirigée par les grands céréaliers « Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d'environnement, parce que là aussi ça commence à bien faire. Je crois à une agriculture durable. Mais il faut que nous changions notre méthode de mise en œuvre des mesures environnementales en agriculture ».
Au début de 2011, à l’occasion de ses voeux, le ministre de l’Agriculture en a remis une couche dénuée de toute équivoque : « Il faudra adapter un certain nombre d'objectifs qui ne sont plus atteignables, une pause en matière de règles environnementales est nécessaire afin de ne pas freiner le redémarrage d'un secteur durement touché ». De quoi faire plaisir au président qui a expliqué au salon de l’agriculture du printemps suivant après la campagne d’affiches de France-Nature-Environnement sur les pollueurs : « Je ne laisserais pas insulter les agriculteurs, cette campagne est particulièrement déplacée, blessante et humiliantes ». Ensuite il a comparé le radicalisme des protecteurs de la nature au radicalisme des islamistes.
Le 7 juillet suivant, au cours d’une visite sur une plage bretonne envahie par les algues il a précisé sa pensée: « Opposer agriculture et environnement, ça n’a pas de sens, parce que les agriculteurs sont les premières victimes du non-respect des règles environnementales. Sur cette affaire d’algues vertes, il serait absurde de désigner des coupables, de montrer du doigt les agriculteurs qui font d’énormes progrès en la matière. Les agriculteurs ne sont pas coupables de choix économiques qui ont été faits il y a longtemps. Il y aura toujours les intégristes qui vont protester et on n’entend qu’eux. Plus c’est excessif, plus on leur donne la parole. »
Le 17 janvier dernier, le Président a remis le couvert au cours de ses « voeux au monde rural » en expliquant notamment aux agriculteurs rassemblés pour la cérémonie : « J’ai conscience que l’aspect tatillon de certains règlements administratifs vous insupportent. La préservation de l’environnement ce n’est pas empêcher quiconque de faire quoi que ce soit. Il faut absolument lever le pied de ce point de vue, notamment dans le domaine de la protection de l’eau ».
Ce jour là, Nicolas Sarkozy a complété son numéro d’anti-écolo qui depuis des mois flatte le lobby des chasseurs en regrettant que le Conseil d’Etat qui a exigé au mois de décembre que la chasse aux oies sauvages ne soit pas prolongée et qu’il ne fallait pas « priver les chasseurs d’un petit bonheur ». De quoi faire plaisir au candidat de Chasse Nature Pêche et Tradition, Frédéric Nihous qui, tout en poursuivant sa chasse aux signatures, a désormais ses entrées à l’Elysée. Au début du mois de janvier, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, a rendu visite à une fédération départementale de chasseurs pour expliquer à quel point son gouvernement se préoccupe de préserver cette espèce en voie de disparition. Normal, faut bien protéger un maximum de voix pour 2012. Ce qui l’est moins c’est que la ministre ait choisi de passer l’après midi avec la Fédération de l’Oise : laquelle est présidée par Guy Harlé d’Ophove ancien membre et élu du Front National au Conseil régional de Picardie. Un personnage qui se vante notamment dans son invitation d’ « éveiller les scolaires à la nature et de développer des actions de communication ». Ce dernier point n’est pas surprenant puisque ce personnage est responsable d’une boite de com, Marketing Publicité 2000, dont l’une des activités consiste à contribuer à améliorer l’image de la Fédération Nationale des chasseurs, lui-même étant le conseiller personnel de son président.
Nul n’a entendu, à chaque fois, la gauche s’élever contre les propos et les attitudes de la majorité, même lorsque le Président a évoqué « un cataclysme » à propos de la sortie du nucléaire retrouvant les outrances des années 70 et prophétisé le célèbre « retour à la bougie » et ajouté : « Il n'est pas le temps de revenir à l'époque du Moyen Age, des peurs moyenâgeuses où l'on se méfiait du progrès, où l'innovation et la recherche étaient comme frappées comme d'un procès en sorcellerie ».
Malheureusement, Eva Joly, la candidate en perte de vitesse annoncée dans les sondages, au risque de décrédibiliser les Verts pour la prochaine législature, n’a jamais trouvé ni les arguments ni la vigueur nécessaire pour fustiger tous les dénis de l’environnement accumulés par celui qui n’est pas encore candidat et qui devrait récidiver lors de la prochaine visite au Salon de l’agriculture.