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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

samedi 17 novembre 2012

Notre Dame des Landes: le productivisme du Premier ministre face à une contestation disparatre...

Samedi 17 novembre François Mitterrand avait tous les défauts du monde. Mais il avait une authentique sensibilité pour tout ce qui touchait à la nature et l’environnement. Je n’ai eu qu’une seule longue conversation avec lui, lors d’une entrevue fortuite à Baïkonour, tandis que nous attendions le départ d’un fusée lançant des cosmonautes russes parmi lesquels se trouvait, si ma mémoire est bonne, l’astronaute Jean-Louis Chrétien ; et pendant une vingtaine de minutes, sous le regard jaloux de quelques confrères qui pensaient que le Président était en train de me faire des confidences politiques, nous avons parlé nature, ours, forêts et arbres. Ceux de la forêt de Latché et ceux du Morvan bien sur. Il connaissait le nom latin de chacun des arbres. Son ton était passionné et ses remarques passionnantes... C’est peut-être pour cela, au nom du respect de la nature et du travail de la terre, qu’il avait conclu, après sa première élection, la longue bataille des paysans du Larzac contre la droite, par l’annulation du projet qui depuis 1970, ambitionnait de transformer le plateau et ses terres en terrain d’exercices militaires. Il était également très attentif aux rapports de force et c’est probablement pour cette raison, après toutes les manifestations monstres et bretonnes qui s’apposèrent au projet, que le président ordonna qu’EDF renonce à la construction de la centrale nucléaire de Plogoff. Jean-Marc Ayrault, tout comme d’ailleurs François Hollande qui n’a jamais contemplé la nature autrement qu’à travers la fenêtre d’un train filant vers la Corrèze, est d’une autre nature. Il appartient à cette gauche productiviste et froide qui ne raisonne qu’en termes d’équipements et de grands travaux. Ce n’est pas par hasard que son projet délirant et ruineux est soutenu par l’UMP. Qui de ressemble, s’assemble. Ayrault ne peut tomber amoureux que des taux de croissance et des « progrès » industriels. Passions qu’il partage avec Arnaud Montebourg. Avant de tomber à gauche et de verdir son discours, Jean-Luc Mélenchon communiait pleinement avec cette église qui vénère les grands projets alimentant les profits de Bouygues, de Vinci et de quelques bâtisseurs d’autoroutes en les dissimulant derrière la « compétitivité » et le « redressement productif ». Ce qui explique au moins en partie son alliance avec un parti communiste qui défend le projet nouvel aéroport de Nantes et le nucléaire. Sur le Larzac, la centaine de paysans opposés aux militaires et à la droite, avait su s’attirer le soutien de centaines de milliers de personnes de toutes origines impressionnés par leur volonté de « vivre et travailler au pays », comme on le disait alors. Depuis leur plateau battu par les vents et saisi par le froid chaque hiver, ils ont organisé, à pied ou en tracteurs, avec ou sans leurs moutons broutant sous la Tour Eiffel, d’immenses manifestations. Ils ont réuni des dizaines de milliers de personnes et ralliés aussi bien les intellectuels que, par exemple, les universitaires, étudiants et enseignants réunis, de Paris 8 qui les accueillirent au terme de l’une de leurs longues marches de la fin des années 70, au coeur du bois de Vincennes. Ces paysans, qui firent aussi bien leur jonction avec les salariés en autogestion de Lip qu’avec les Paysans-Travailleurs bretons et toutes les organisations et association de gauche, avaient réussi à rester unis, à former un bloc au delà de leurs origines idéologiques. A rester maîtres de leur revendication. Ils formaient un groupe politiquement soudé. Ils s’offrirent même le luxe, une année, de chahuter François Mitterrand (pas encore élu) qui ne leur en tint pas rigueur bien qu’il ait du un jour, quitter les lieux juché sur un tracteur. Où sont aujourd’hui les intellectuels, ceux qui ne se rendent à Nantes qu’en avion pour assister aux fêtes du maire devenu Premier ministre ? Ces paysans du Larzac avaient su créer un consensus autour de leur combat. Il ne semble pas qu’il en soit de même pour la défense pourtant essentielle des terres de Notre Dame des Landes. Il s’en faut de beaucoup. Ce n’est pas en additionnant des carottes et des choux qu’il est possible de susciter un mouvement national cohérent. Les anarchistes (que je respecte), les éco-guerriers, les écolos gouvernementaux empêtrés dans leurs contradictions, des rescapés du Modem, quelques socialistes honteux, des militants sympas mais à court d’arguments politiques solides, ne peuvent pas constituer ou reconstituer un mouvement de masse susceptible de ranger une partie de la France derrière eux. Surtout quand on constaté que les paysans et les naturalistes de la région menacée ne sont pas vraiment aux commandes du mouvement. La mayonnaise peut difficilement prendre. Surtout en ce temps nouveaux d’individualisme et de grande faiblesse idéologique. Il ne suffit pas, hélas, de proclamer qu’on est « contre », que le projet est « contre-nature » et qu’il s’inscrit dans une idéologie industrielle du passé, pour convaincre que l’on à raison. Alors, « un nouveau Larzac ? ». Pas vraiment ou, au mieux, pas encore. Surtout en une sombre journée qui a vu les militants contre le mariage gay réunir plus de manifestants que les militants de Notre Dame des Landes...

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