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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

vendredi 18 octobre 2013

Loup: les protecteurs de la nature claquent la porte de la concertation



L’association Férus, qui se consacre à la préservation du loup, de l’ours et du lynx ainsi que le WWF, ont quitté lundi 14 octobre les discussions du Groupe National Loup. Ils ne souhaitaient manifestement pas être associés plus longtemps à une négociation tendant à faire accepter aux associations de protection de la nature, l’élimination progressive, pour cause électorale, d’une espèce à la fois protégée par la loi française et la législation européenne. Les protecteurs de la nature estiment que les dérogations ne visent qu’à justifier des opérations placées sous le seul contrôle des chasseurs et de quelques éleveurs. Férus et le WWW s’expliquent dans un communiqué dans lequel ils déclarent notamment :

« Dans les discussions, il n'a été à aucun moment question de tirs de loups à l'occasion de battues au gibier, dispositif sans contrôle exercé par des chasseurs non assermentés, pas plus que dans l'arrêté ministériel qui sert de base juridique à l'application du Plan national loup. C'est pourtant ce qui s'est produit suite aux déclarations faites au nom du gouvernement par M. Stéphane Le Foll en déplacement dans la Drôme, étayées par un courrier du ministre de l'écologie aux préfets des Alpes Maritimes, du Var et des Alpes de Haute-Provence. Depuis lors, des battues au loup sous couvert de battues au grand gibier ont été réalisées dans les Alpes Maritimes et également dans la Drôme. Sans contrôle sur le terrain par les agents de l'ONCFS ou les lieutenants de louveterie qui sont assermentés. Un tel dérapage est inacceptable ».

Le dialogue parait rompu entre le gouvernement et les protecteurs de la nature qui dénoncent l’oubli de la préservation de la biodiversité et la réduction du pourtant modeste budget du ministère de l’écologie.

mercredi 9 octobre 2013

(Article publié dans le numéro de Libération daté du 9 octobre)

Ces guerres qui détruisent la nature et l’environnement
Une communauté internationale impuissante

            Quand les paix ou les armistices sont signés, quand les peuples ou les communautés sont, au moins en apparence, réconciliés ou apaisés, les dégâts infligés aux ressources naturelles, à la nature ou à l’environnement par les guerres ou les guérillas perdurent. Parfois des dizaines d’années, et en général dans l’indifférence la plus totale. Les crimes de guerre ou les crimes contre l’humanité sont progressivement, mais avec une lenteur désespérante, jugés par la Cour Pénale Internationale de La Haye créée à Rome en 1998. Mais le crime écologique, lui, n’existe pas et ne peut être pris en compte pour faire condamner des hommes, des Etats ou des mouvements rebelles.

            Je suis retourné sur la plupart des « champs de bataille » que mon métier de reporter m’a amené fréquenter depuis le milieu des années 70 et j’ai pu constater partout que les dégâts environnementaux perdurent. Au détriment des populations, de l’agriculture vivrière, de la faune et de la flore. De la Tchétchénie à l’Irak en passant par la Serbie, la Bosnie, la Croatie, le Kosovo, la Géorgie, le Liban, Gaza, le Rwanda, la République démocratique du Congo, la Somalie ou l’Ethiopie, les blessures et les pollutions demeurent…

            Ecrire cela ne signifie pas négliger ni oublier les morts, les blessés et les handicapés, mais quand le calme, même précaire, est revenu, il faut recommencer à vivre. Difficile dans des écosystèmes ravagés, voire détruits comme près de la frontière sud-ouest qui sépare l’Irak de l’Iran. La guerre qui a couté des centaines de milliers de morts aux deux pays a aussi entrainé l’empoisonnement chimique des millions de palmiers qui constituaient un apport essentiel pour les populations. Et, alors que ce conflit est officiellement terminé depuis 1988, des terres sont toujours contaminées. Tout comme il reste, en Irak ou au Kosovo, des traces dangereuses de la contamination entrainée par l’utilisation des obus et bombes à l’uranium enrichi.

            Si les gorilles des montagnes ne sont plus que quelques centaines aux confins du Rwanda et de la République Démocratique du Congo, c’est parce que les bandes armées continuent de s’y affronter et que les réfugiés parcourent la région en tous sens pour échapper aux exactions. Une situation qui menace également les derniers okapis, les éléphants ou les singes bonobos tués par des guérilléros ou des membres de l’armée congolaise qui doivent les uns et les autres se nourrir sur la nature dans le parc national de Virunga et ses alentours. Alors qu’ils constituaient, entre autres, une richesse touristique.

            Partout où les Etats s’effacent pour cause de conflit, partout ou des hommes s’affrontent, la nature et les ressources naturelles sont livrés aux pillages et à la destruction que nulle loi ne parvient à juguler ou à sanctionner. Exemple extrême : si la Somalie sert depuis des années, sur son littoral ou à l’intérieur du pays, de dépotoir aux résidus chimiques, y compris radioactifs, « exportés » d’Europe ou des Etats Unis par des navires sous pavillons de complaisance, c’est bien parce que depuis 1991, des Etats et des bandes armées s’y affrontent et qu’il n’y existe plus aucun pouvoir.

            S’agissant de Gaza, autre exemple tragique, si les médias et les politiques font régulièrement le décompte des affrontements, ils passent sous silence que l’espace naturel, autrefois foisonnant, est ravagé, que l’unique rivière, le Wadi Gaza, n’est plus qu’un égout, que les ordures y brulent dans la rue en permanence ou que l’usine de traitement des effluents est hors d’usage depuis des années et que les eaux putrides envahissent tout le territoire. Sans oublier qu’à Gaza comme en Cisjordanie, le mur qui sépare les hommes coupe en deux ce qui reste du milieu d’origine en supprimant tous les échanges naturels. La mort programmée d’écosystèmes déjà fragiles. Tout comme celle des forêts brulées autour de Sarajevo ou dans le nord de la Géorgie pendant le conflit avec la Russie.

            Les pays et la communauté internationale détournent le regard de ces catastrophes qui durent et se renouvellent chaque année malgré les rapports accablant de la cellule « Post-conflit » du Programme de Nations Unies pour l’Environnement que nul ne lit dans les tiroirs où ils aboutissent. Rien, dans la Convention de Genève ou dans le statut de la Cour Pénale Internationale, ne permet de sanctionner les crimes commis contre la nature et les ressources naturelles. Ce qui a permis, par exemple, aux Etats Unis de financer pendant des années l’aspersion de centaines de milliers d’hectares l’aspersion de la forêt colombienne avec le célèbre Round-up de Monsanto pour chasser à la fois les planteurs de coca et les rebelles des FARCS. Tout en détruisant la nature et en empoisonnant les hommes.

Il serait temps que les Nations unies et les intellectuels assoupis se préoccupent enfin des conséquences à long terme des conflits qui font autant morts et de ravages que les affrontements eux-mêmes. Il suffit d’imaginer l’état dans lequel la Syrie se trouve déjà...


Auteur de Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé, 2005) et intervenant sur ce théme vendredi 11 octobre aux Rendez vous de l'Histoire de Blois

lundi 7 octobre 2013

Lundi 7 octobre

Le loup, l'ours, le lynx, les rapaces et les phoques menacés par la démagogie électorale des municipales...


                Les loups, les ours, les lynx ou les vautours n’ont décidément pas de chance car dans leurs existences difficiles il y a toujours une ou deux  élections à l’horizon. Et les municipales sont traditionnellement les plus mortifères pour la faune sauvage, même si les législatives, les cantonales ou la présidentielle déclenchent également des actions, prises de positions et déclarations démagogiques sur les espèces sauvages coupables de faire concurrence à la prédation et à la présence humaine. Logiquement donc, les chasses au loup, l’organisation de battues administratives ou illégales et les empoisonnements ont entrainé la disparition d’au moins une dizaine de ces animaux depuis le début de l’année, dont une femelle dont les louveteaux ne survivront pas. Le pouvoir veut prouver qu’il agit avec la même fermeté et la même absence de remord contre les Roms et les loups que beaucoup d’élus rangent sans la moindre honte dans la catégorie des prédateurs « impossibles à assimiler ». Alors les démagogues et les chasseurs crient au loup en maquillant les chiffres à la tribune de l’Assemblée nationale et du Sénat, dans les journaux régionaux ou dans Le Figaro qui accueillent leurs diatribes et statistiques mensongères. Des fantasmes qui, comme pour les Roms, n’ont rien à  voir avec la réalité. Car s’il est incontestable que les 250 à 300 loups désormais présents sur le territoire mangent aussi des brebis, les dégâts n’ont rien à voir avec les statistiques brandies par ceux qui crient au loup. Les 4524 brebis tuées ou blessées en 2012 par canis lupus représentent 0,06 % du cheptel français de 7 millions d’ovins. Victimes toutes remboursées en 2012 aux éleveurs pour une somme de 1 ,5 million d’euros, loin des bilans financiers faramineux assénés par les élus de tous bords.

                Cette réalité n’implique pas que le métier d’éleveur ou de berger soit facile, qu’il ne comporte pas de nombreuses difficultés qui devraient le faire accéder au rang de métier pénible pour le calcul de la retraite. Passer plusieurs mois seul dans la montagne et courir de temps à autre après son troupeau pour un salaire souvent ridicule, cela n’a rien de drôle. Mais les éleveurs, les bergers et tous les syndicats agricoles confondus se trompent en liant l’existence du loup et d’autres espèces sauvages à la crise de la filière ovine. Ils feraient mieux de tourner leur courroux vers la filière de la viande, vers les importations, vers les politiques de prix des grandes surfaces ou vers le traité qui contraint encore la France à importer de l’agneau congelé de Nouvelle Zélande. Ils pourraient, comme certains le font heureusement comme je viens de le constater dans la Drôme, se poser des questions sur leur instrumentation par les chasseurs qui se moquent des moutons mais craignent la concurrence pour leur gibier. Il ne faut pas oublier que ce sont les chasseurs qui pourchassent les loups et réclament un droit de tir à vue sont aussi ceux qui ont abattu  les derniers ours Pyrénéens, contraignant les pouvoirs publics à leur chercher des remplaçants en Slovénie.

                Les  mêmes problématiques entrainent le harcèlement, voir l’assassinat des ours alors qu’ils ne « consomment », en général en automne, que 0,9% des brebis qui vivent dans la montagne pyrénéenne. Des chiffres qui n’ont aucune commune mesure avec les dizaines de milliers de moutons tués chaque année par les chiens errants ou fugueurs, bien souvent ceux des chasseurs. La même remarque vaut pour les Alpes et le Massif central puisque selon une estimation de la FNSEA, ce sont au minimum 150 000 ovins qui sont tués ou estropiés chaque année par des chiens.

                La situation pré-électorale n’est pas meilleure dans les Vosges et le Jura où, depuis 1983, les lynx tentent de se multiplier en dépit des tirs clandestins ou des campagnes d’empoisonnement menées discrètement par les chasseurs. Au point, alors qu’en Espagne, le sauvetage d’une espèce voisine, le lynx pardel est désormais réussie,  que l’espèce est en danger. Mais une part de la France rance, à commencer par celle des élus locaux, ne supporte pas le sauvage, ne supporte pas que le milieu naturel ne ressemble pas à un parc urbain, que les animaux sauvages n’obéissent pas aux syndicats d’initiative, que les routes circulent encore entre des arbres. Lesquels, c’est bien connu, ont la fâcheuse habitude de se jeter sur les routes au devant des automobilistes. Rien à voir avec les loups, les lynx ou les ours ? Mais si, car les chantres et représentants d’une ruralité qui n’existe plus que dans leurs imaginations et leur nostalgie d’un autre âge, se battent depuis des années contre ce qui ne ressemble pas à un jardin à la Le Nôtre. Alors qu’en Espagne et en Italie, les loups et les ours sont efficacement protégés.

                La rage envers le sauvage a entrainé au cours des derniers mois, des élus à faire détruire des nids d’hirondelles parce que ces oiseaux salissaient les rues et des inconnus à empoisonner des vautours, des gypaètes, des milans royaux, des buses ou des hérons dans de nombreux départements. Sans que la justice se saisisse des ces délits alors que comme le loup, le lynx et l’ours, il s’agit d’espèces protégées. La vindicte contre les animaux sauvages a même atteint depuis quelques mois les phoques veau-marins qui vivent autour de la Baie de Somme. Une espèce sauvée de justesse par les naturalistes et désormais accusée (ils sont 460 !) de dévaster les bancs de poisson par des pêcheurs (et des élus) qui devraient plutôt se poser des questions sur les méfaits de la surpêche dans les mêmes secteurs.

                Le « sauvage » n’intéresse ni la droite, ni l’extrême droite, ni les socialistes, ni le Front de gauche, ni  le parti communiste. Ni d’ailleurs, dans le fond, les Verts qui ont d’autres chats à fouetter puisque les animaux ne votent pas. Seules les associations de protection de la nature râlent. Mais qui les écoute ?

                Réalité encourageante : il est à peu près certain que le loup a désormais réussi sa reconquête du territoire français et qu’il peuplera de plus en plus de départements…