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Journaliste depuis 30 ans, à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'écologie,de protection de la nature et de société; derniers livres publiés: Guerres et environnement (Delachaux et Niestlé), L'horreur écologique (Delachaux et Niestlé), "La Grande Surveillance" (Le Seuil),une enquête sur tous les fichages (vidéo, internet, cartes bancaires,cartes médicales, telephone, etc). Et enfin "Enquête sur la biodiversité" (ed Scrinéo, coll Carnets de l'info). Aprés 20 ans au Journal du Dimanche, collabore désormais à l'hebdomadaire Politis et à Médiapart.

mercredi 28 mai 2014

Compte à rebours du Climat: le nouveau chiffre de l'Organisation Mondiale météréologique sur le gaz carbonique



550 jours. C’est le temps qui reste à la planète et aux politiques avant le début de la 18° conférence sur le climat qui se tiendra prés de Paris, au Bourget, à partir du 30 novembre 2015. Comme le temps passera très vite pour la montée inexorable du dérèglement climatique, fait de réchauffement, de tempêtes, de froid inattendu et de graves variations pluviométriques, et d’erreurs d’appréciation, il est déjà temps d’en tenir une chronique politique, scientifique et économique. Le lecteur trouvera donc régulièrement ici les informations, bonnes ou mauvaises, liées au réchauffement de la planète et à la froideur  ou à l’indifférence des politiques.

            Tandis que la France entière se passionne pour le 10 % de Français inscrits sur les listes électorale qui ont voté pour l’extrême droite où ceux, encore bien moins nombreux, qui s’intéressent aux malheurs du PS ou de Jean-François Copé pris la main dans le pot de confiture de l’UMP, l’Organisation Météorologique Mondiale, vient de s’apercevoir que pour la première fois la concentration dans l’air de la planète vient de dépasser les 400 ppm  de teneur en Co2 (dioxyde de carbone) dans l’air. Et ceci dans tout l’hémisphère  Nord de la planète. Ce qui signifie très clairement que les conditions provoquant le réchauffement climatiques sont de plus en plus évidentes et surtout irréversibles pendant des dizaines d’années. Si par hasard la communauté internationale se décide un jour à prendre des mesures drastiques. 

Cela veut dire aussi que les activités humaines et la consommation en nette augmentation des combustibles fossiles ne sont plus vraiment une menace pour l’avenir mais une réalité inquiétante du présent. D’autant plus que, toujours d’après les spécialistes de l’Organisation Météorologique mondiale, il est plus que prévisible que l’hémisphère Sud atteindra également ce seuil de 400 ppm au plus tard dans deux ans.

            Un chiffre qui, au Nord comme au Sud, doit être comparé à la teneur moyenne en CO 2 qui était mesurée dans la seconde partie du XIX ° siècle : entre 270 et 280 ppm selon les parties du monde où elle fut régulièrement évaluée. Dans le laboratoire de référence installé à Hawaï, la teneur observée était de 315 en 1958, de 350 en 1988 pour atteindre 401 au mois d’avril dernier.

            Les risques d’étés torrides en Europe, de sécheresses en Afrique, en Australie et en Asie, de tempêtes ou de cyclones de plus en plus fréquents et de plus en plus violents un peu partout dans le monde ne relèvent plus de la prévision mais d’une réalité de plus en plus évidente, comme l’a récemment expliqué le GIEC. Car les conditions de l’effet de serre sont cumulatives puisque le CO 2 produit reste piégé dans l’atmosphère. Ne relèvent plus non plus de la prévision ou de la modélisation mais de la réalité, les conséquences de la dégradation de cette atmosphère sur le niveau de la mer, sur la fonte des glaces, sur la disparition des glaciers, sur le débit des fleuves, sur la pêche et sur l’agriculture. Ce qui ne semble émouvoir personne en dehors des compagnies d’assurance et de réassurance qui se désolent de voir leurs profits diminuer.

samedi 10 mai 2014

Compte à rebours du climat: le rapport inquiétant publié par la Maison Blanche



570 jours. C’est le temps qui reste à la planète et aux politiques avant le début de la 18 ème conférence sur le climat qui se tiendra prés de Paris, au Bourget, à partir du 30 novembre 2015. Comme le temps passera très vite pour la montée inexorable du dérèglement climatique, fait de réchauffement, de tempêtes, de froid inattendu et de graves variations pluviométriques, et d’erreurs d’appréciation, il est déjà temps d’en tenir une chronique politique, scientifique et économique. Le lecteur trouvera donc régulièrement ici les informations, bonnes ou mauvaises, liées au réchauffement de la planète et à la froideur  ou à l’indifférence des politiques.

            Le rapport publié le 7 mai aux Etats-Unis sur ordre de la Maison Blanche explique en 1350 pages, que les spécialistes américains du climat n’en sont plus à « manier une boule de cristal » pour raconter l’avenir des modifications climatiques et du réchauffement de la planète mais que, pour la première fois ils se consacrent à faire le bilan sur ce qu’il est déjà possible de constater ; et donc que les conséquences sont déjà visibles sur tout le territoire américain. La publication de ce rapport tous les quatre ans, a été institué en 1990 par une loi votée par le Congrès des Etats Unis, mais il n’a été rendu public que deux fois. La première au départ du président Clinton et la seconde à l’arrivée du Président Obama. Celui qui vient d’être rendu public a été préparé par 300 scientifiques. Le « National Climate Assessment » se base, notamment, sur l’étude des résultats agricoles du pays et sur des investigations portant sur l’acidification des mers qui bordent l’Est, l’Ouest et le Sud des Etats Unis.

            Les spécialistes américains ont constaté un déclin généralisé des rendements agricoles, qu’il s’agisse du maïs, du blé, du sirop d’érable dans le Vermont, de la pêche ou de la production des huitres dans l’Etat de Washington. Ils ont constaté également que les printemps plus précoces contraignent les fermiers à planter plus tôt, ce qui limite la production, surtout quand les pluies diluviennes sont de plus en plus fréquentes. Le directeur du « Centre pour la science et la démocratie explique dans son commentaire : « désormais, tout entre dans le champ de la modification climatique et nous devons travailler aussi bien sur la question des la santé publique que sur la pêche, l’élevage des poissons que sur l’état des forêts. Toutes les disciplines doivent désormais tenir compte du changement climatique ». Le responsable du chapitre du rapport consacré à l’agriculture,  Eugene Takle, directeur de la chaire du climat à l’Université d’Etat de l’Iowa est l’un des plus pessimistes car ses experts ont constaté le déclin agricole dans l’ensemble des Etats des USA.

            A propos de la mer, commente le Président, Andrew Rosenberg, responsable de l’association de concerned scientists et un des auteurs du rapport « il y a cinq ans, l’acidification des océans et le mouvement de migration des espèces était déjà en cours, mais les observations faites n’étaient pas encore très claires ; elles le sont maintenant et nous ne sommes plus dans la théorisation d’un modèle, mais dans la réalité ».

            Le rapport explique que l’étude attentive de tous les secteurs économiques et agricoles des Etats Unis prouvent les conséquences locales du changement climatique sont avérés et se révèlent toutes négatives. Ils signalent également que les villes qui connaitront des épisodes cataclysmiques seront de plus en plus nombreuses et pèseront de plus en plus sur les Américains. Pour les auteurs, le temps de la modélisation est dépassé et il est urgent de prendre des décisions pour arrêter la dégradation de nombreux secteurs économique liée au réchauffement. « Il nous faut, écrit le directeur du centre de Floride pour l’environnement, désormais et rapidement songer à traduire toutes les prévisions globales par des  initiatives pour remédier aux impacts locaux significatifs ». 

            Ce rapport, car ce n’est pas son  rôle, ne propose pas de solutions, mais il est l’un des plus pessimistes jamais publié aux Etats Unis. Il peut aider le Président Obama, s’appuyant sur les dizaines de millions d’Américains touchés d’une façon ou d’une autre, à proposer des solutions à ses parlementaires, à réduire l’impact des groupes de pression du secteur énergétique et à préparer des solutions mondiales pour la conférence climatique de 2015. Cela lui sera d’autant plus facile que ce rapport fait déjà l’objet de nombreux commentaires et qu’il ne peut pas se représenter comme Président après ses deux mandats.

            Dommage que le gouvernement ne publie pas officiellement un rapport sur l’état et les conséquences du réchauffement sur le territoire français...


Ukraine: entre mensonges et rumeurs

Article paru le 6 mai sur le blog des rédacteurs de Politis



                Depuis quelques semaines, dans plusieurs villes de l’Est ukrainien, mais plus particulièrement à Slaviansk, les armes surgissent de nulle part. Non pas les simples kalachnikovs qui trainent un peu partout en Ukraine comme en Russie, mais des lanceurs de missiles sol-sol et sol-air, des RPG (fusil lance-grenades), des mitrailleuses lourdes, des fusils-mitrailleurs, des grenades défensives quadrillées, des petits canons sans recul et quelques mortiers. A Slaviansk des blindés légers de provenance inconnue circulent depuis la mi-avril sans plaque d’immatriculation ou d’identification. Rien à voir avec l’équipement de gourdins et de barres de fer des cosaques et des manifestants pro-russes. Ceux qui organisent les manifestations devant les immeubles occupés ou bien parcourent les rues en pillant ou rançonnant. Toujours en expliquant que les commerçants ou les entreprises seront remboursées à l’arrivée des troupes russes. 

Les combattants en uniformes, mais toujours non identifiés, et une partie des miliciens qui tiennent les barrages autour de Slaviansk,  portent des gilets pare-balles tous neufs et utilisent des moyens de communications sophistiqués. Les rebelles, distincts des miliciens voués au maintien de l’ordre et à l’assaut de bâtiments, c’est à dire ceux qui se battent contre l’armée ukrainienne, assurent que l’essentiel de leur armement provient des casernes abandonnées. Les rares militaires organisés assurant l’occupation des lieux stratégiques, probablement Russes venus de Crimée ou ayant franchi discrètement la frontière dans la région de Louhansk, acceptent parfois de parler : ils racontent être venus en camions avec la majeure partie du matériel visible dans certaines villes. Mais ils expliquent aussi que ce matériel, souvent sophistiqué, n’est jamais utilisé par les milices pro-russes, même les mieux organisées ou les plus disciplinées. Quand cela est nécessaire, ce sont des membres de ces commandos supposés russes ou dépendant des forces spéciales de Moscou, qui sont « prêtés » avec leur matériel pour des missions définies à l’avance. Ce fut probablement le cas pour la destruction de deux ou trois hélicoptères des forces régulières ukrainiennes il y a quelques jours. Des informations qui tendent à prouver que la Russie, dont la modeste mais efficace présence est difficilement contestable, conserve un contrôle très strict de la situation, se conformant à des plans précis que seul Vladimir Poutine connait. De toute évidence, un dérapage éventuel ne peut pas venir de ces commandos. Il surgira plutôt des « miliciens » pro-russes dont les activités sont de moins en moins coordonnées et de plus en plus proches du gangstérisme.

Ces groupes incontrôlés et dopés à la vodka, effrayent autant les citoyens pro-russes, que les partisans d’une Ukraine unie ou ceux qui n’ont pas, à Slaviansk, Donetsk, Kramatorsk ou Odessa, d’avis vraiment tranché sur la question. D’ailleurs, les manifestations des uns et des autres, dans des lieux isolés ou devant les quelques bâtiments occupés, sont de plus en plus discrètes, rassemblent de moins en moins de gens. D’un côté comme de l’autre, les gens ont peur. Peur mal expliquée des « autres », peur du désordre, peur des pénuries qui pénalise déjà des centaines de milliers de personnes. Paola, trentenaire, jeune et jolie informaticienne de Slaviansk désormais au chômage ne rêve que d’un retour au calme : «  Mon père est ukrainien, ma mère est serbe, mais j’ai toujours vécu ici et en parlant les deux langues, même si je suis meilleure en russe. Je crois que des gens ont inventé ce qui nous arrive ; nous vivions en bonne intelligence, sans se poser de question sur les racines de l’autre, des amis, des collègues ou de commerçants chez qui nous allons. J’ai peur de ce qui peut se passer, car ma mère m’a raconté comment ça s’est passé dans son pays, comment les gens sont subitement devenus fous pour des questions de nationalités alors qu’ils parlaient des langues semblables et qu’ils vivaient et se mariaient ensemble depuis longtemps. J’ai peur qu’il nous arrive la même chose. Regardez ces bandes de déguisées en combattants, ils font n’importe quoi et ils vont profiter du désordre. Ce n’est pas notre armée ukrainienne qui nous sauvera. Ni les Russes qui jouent avec nous ».

L’armée ukrainienne, toujours aux portes de Slaviansk n’avance guère car elle a reçu comme consigne impérative d’éviter les victimes parmi les civils. Autrement dit, gagner sans combattre, ce qui n’est pas simple ! La consigne est la même pour les autres cités tenues par des groupes de rebelles et –ou- des commandos d’origine russe. Equation impossible : non seulement les « miliciens » des barrages sont des civils déguisés en militaires avec des treillis, mais de plus, des dizaines de civils sympathisants stationnent en permanence à proximité des ces barrages. Ensuite, comme les prises de villes ont été intelligemment conçues puisqu’elles se résument en fait à l’occupation, violente ou pacifique, de quelques immeubles, l’armée ukrainienne doit obligatoirement gagner les centres villes pour afficher des victoires symboliques. Elles passent par la reconquête de quelques immeubles devant lesquels des femmes et des enfants sont ou seront rassemblés.

Face à ces situations inextricables, tandis que leurs opinions publiques imaginent un orient ukrainien à feu et à sang alors qu’en dehors de quartier centraux sporadiquement agités, la vie continue, même si elle devient difficile en raison de la rupture des approvisionnements, les pays européens ne savent pas quoi faire et pas plus quoi dire. Comme l’a prouvé Laurent Fabius le 5 mai sur France Inter maniant une langue de bois que n’auraient pas renié les dirigeants de l’Union Soviétique. Le piège tendu par Poutine se referme parfaitement sur nos « démocraties ». Il met en évidence, au choix, leurs lâchetés, leurs impuissances, leurs dépendances au gaz ou leurs peurs des conflits. En bon Soviétique qu’il fut et reste, en  autocrate qui n’a pas de compte à rendre à une opinion publique (1) que toute initiative nationaliste met majoritairement en joie, le Président russe a parfaitement évalué l’incapacité occidentale à s’opposer à l’intervention de son pays. Il savait qu’il jouerait gagnant depuis la conquête armée d’une province de la République géorgienne en 2008: elle avait entrainé l’annexion de l’Ossétie du Sud en dépit de l’agitation médiatique de Nicolas Sarkozy et de Bernard Kouchner. Ils n’avaient pas fait reculer la Russie,  pas plus que Mitterrand puis Chirac n’avaient empêché l’annexion de le République d’Abkhazie.

Si les Ukrainiens avaient commencé à se tuer entre eux tous seuls, si une guerre civile avait embrasé le pays sans le concours d’une ingérence extérieure, les pays européens et les Etats Unis se seraient fait un devoir ou un « plaisir » d’intervenir. Ils l’ont prouvé en mettant un terme par une négociation éclair à la révolution de la place Maidan de Kiev qui tournait au massacre et en contraignant le président ukrainien à s’enfuir. Et que l’on ne vienne pas me raconter, comme le font les perroquets d’extrême-gauche et d’extrême droite qui ne se nourrissent que de complots aussi permanents qu’obscurs, que la Révolution de Maidan a été organisée par (au choix) l’OTAN, les Etats Unis, le Brésil, l’OSCE ou l’Europe. Cette explication venant de l’extrême gauche est surprenante car cette sensibilité française devrait saluer et approuver un mouvement populaire et spontané. Quant à l’extrême droite, les amis de Poutine, leur réaction est logique puisque le Front National s’est toujours fait une spécialité de montrer du mépris et de la méfiance envers le peuple qu’il manipule et utilise.

Donc, face à un Poutine armé de la certitude qu’il doit à terme reconstituer au moins une partie de l’Union soviétique, face à un Poutine qui ne croit qu’à la force et non pas à la démocratie, face à un Poutine qui sait que les pays occidentaux ne sont que capables que de glapir ou de faire les gros yeux, face à un président que le spectacle des 28 pays de l’Union européenne tentant en vain de se mettre d’accord amuse énormément, la France, les USA et bien d’autres vont laisser les Russes décider de l’avenir de l’Ukraine en sabotant l’élection présidentielle du 25 mai. Que cela se fasse au prix de la mort d’Ukrainiens unitaires et d’Ukrainiens pro-russes, ne dérange finalement personne. Par manque de courage, comme d’ailleurs en Syrie soutenue par la Russie, tout le monde laisse tomber les Ukrainiens de toutes obédiences pour les livrer au dernier tsar de Russie. Pourtant, j’ai pu le constater, les victimes expiatoires ne sont pas d’accord.
Mais rassurons nous, nous aurons du gaz pour nous chauffer pendant l’hiver prochain quel que soit le résultat du "réferendum arrangé" du dimanche 11 mai...

(1)    Des habitants de Saint-Pétersbourg ont été les seuls (c’était courageux) à manifester contre l’intervention de leur pays en Crimée et dans l’Est ukrainien

Choses vues et entendues à Slaviansk



Il y a quelques jours dans l'est de l'Ukraine (Article paru dans Politis)

Vue du centre de Slaviansk, ville de 120 000 habitants de l’Est ukrainien, la situation n’est pas simple à comprendre car la foule ne se presse pas pour soutenir les « militaires » inconnus qui ont pris le contrôle de trois bâtiments. Deux appartenant à la police et un à l’administration de la région. Pas de soutien populaire visible, mais pas non plus de grande démonstration de protestation. Les occupations en cours, les déposes de drapeaux ukrainiens remplacés par les couleurs russes ne passionnent qu’une foule clairsemée ; essentiellement des femmes et quelques miliciens munis de gourdins et de boucliers. Les habitants de cette cité située à une centaine de kilomètres de la frontière de la Fédération de Russie vaquent à leurs occupations quotidiennes habituelles, simplement préoccupés des prix alimentaires qui grimpent de jour en jour. L’assaut mené  par des forces de l’ordre ukrainiennes, avec son bilan de deux ou trois morts, n’a pas mis la ville en ébullition ; et lundi, beaucoup d’habitants ignoraient encore l’incident. En conversant, en russe, avec les occupants lourdement armées et venus sur place en camions sans immatriculation, il est facile de comprendre qu’ils ne sont pas ukrainiens mais russes. Certains ont l’accent de Samara, une ville de la Volga. A l’écart des autres, une jeune « soldat » affirme être venu de Crimée. Aveu surpris par l’un de ses responsables au visage recouvert d’une cagoule qui lui rappelle brusquement « qu’il ne faut parler à personne, même à des gens qui parlent notre langue sans accent car les espions fascistes sont partout ». Il ajoute « il faut attendre les ordres pour parler avec la population, nous devrions recevoir rapidement des renforts ».

Dans cette ville, comme pour les occupations en cours à Donetsk et dans des petites villes plus proches de la frontière, les petits commandos inconnus ont surgi avec armes et munitions mais aussi avec des provisions qui pourraient leur permettre de résister à un siège de plusieurs jours. Elles portent les mêmes indications que les rations russes qui commencent à apparaitre sur les marchés de Crimée. Le calme des occupants, à Slaviansk comme ailleurs, contraste avec l’agitation désordonnée des milices non armées qui contrôlent des rues du centre et quelques routes, protégés par des blindés légers sur roues dont nul ne peut savoir s’ils sont ukrainiens ou bien s’ils ont franchi nuitamment la frontière par la petite ville de Milove marquant la limite entre la Russie et l’Ukraine à l’extrémité nord-est de cette dernière. Les véhicules n’arborent aucune immatriculation. Dans les assemblées où l’ont élit, plus exactement où l’on désigne par acclamations, des représentants chargés « d’appeler la Russie à l’aide », les membres et responsables des commandos, ne prennent jamais la parole, se contentant d’assurer un semblant d’ordre et de ramasser des motions laborieusement discutées, comme des surveillants à la fin d’un examen.

Comme si tous savaient que la suite du théâtre d’ombres en cours dans l’Est de l’Ukraine se jouait ailleurs. Une pièce à laquelle manque manifestement l’apparente unanimité populaire qui a permis de faire accepter en Occident l’annexion de la Crimée.
Claude-Marie Vadrot